Le pain d'épice de Dijon : l'histoire
Aspects techniques
Moutarde Cassis ACCUEIL
     

L'histoire du pain d'épice commence bien tôt, et loin des contrées bourguignonnes. Les Grecs connaissaient une pâtisserie que l'on a parfois assimilée au pain d'épice. Mais la préparation en était différente : dans la préparation du pain d'épice, farine et miel sont pétris ensemble, avant d'être mis au four. Le melitounta d'Aristophane, fait de farine de sésame (quelquefois enrichie de fromage et d'oeufs), était enduit de miel après la cuisson, comme le sont aujourd'hui les loukoumadés. De même, le panis mellitus des Romains était frit puis arrosé de miel écumé.

Le pain d'épice, tel que nous l'entendons aujourd'hui, semble être d'origine chinoise. En effet, le Mi-Kong, littéralement pain de miel, consommé au Xème siècle déjà, était composé de farine de froment et de miel, parfumé ou non de plantes aromatiques, et cuit au four. Il était considéré comme un aliment, et non comme une pâtisserie. Au XIIIème siècle, il est cité parmi les rations des cavaliers de Gengis Khan. Les Arabes l'empruntèrent aux Chinois, et les Occidentaux le connurent en Terre sainte, à l'occasion des croisades.

Plus tard, à l'époque moderne, des pains d'épiciers se distinguèrent et le pain d'épice devenait une friandise. A Paris, ils formèrent une corporation à laquelle Henri IV octroya des statuts en 1596.

Le pain d'épice de Reims.

Toutefois, c'est Reims qui s'imposa d'abord comme la cité du plus fameux pain d'épice. On disait que les Rémois l'emportaient "à cause de la bonté des miels de Champagne et de la manière de faire le pain d'épice que les maîtres des autres villes ne pouvaient imiter". Le Dictionnaire de l'Académie Française de 1694, après la définition du pain d'espice, ajoutait "Pain d'épice de Rheims". Cette réputation était telle que les Rémois furent désignés dans un proverbe champenois sous le sobriquet de mangeurs de pain d'épice. Il existait une corporation de pains d'épiciers à Reims. L'industrie rémoise du pain d'épice sera anéantie par la guerre de 1914-1918.

Le pain d'épice de Dijon.

Des textes mentionnent, dès le XIVème siècle, une pâtisserie à base de farine de froment et de miel blanc, le boichet, apprécié de Marguerite de Flandre, épouse du duc Philippe le Hardi.

Philippe le Hardi
Duc Valois de Bourgogne
 

On raconte plus volontiers que le pain d'épice fut rapporté de Flandre par le duc Philippe le Bon : en 1452, à Courtrai, Philippe goûta une galette au suc d'abeilles ; l'ayant trouvée délicieuse, il mit immédiatement à son service celui qui l'avait confectionnée et le ramena avec lui. Plus tard enfin, à la fin du XVème siècle, apparut le pain de gaulderye, composé de miel et de farine de millet. Si le boichet fut rapidement délaissé, le pain de gauderie et les gaudiers et gaudières se maintinrent jusqu'au XVIIIème siècle.
Le premier pain d'épicier digne de ce nom à Dijon est cité en 1711 dans les rôles des tailles : Bonnaventure Pellerin, vendeur de pain d'épice et cabaretier, rue Saint-Nicolas (rue Jean-Jacques Rousseau actuelle), imposé pour huit livres. C'est un petit artisan.

La dynastie Boittier
- Mulot et Petitjean.

 

 

 

 

 

 

 

Barnabé Boittier : né à Dijon, baptisé dans la paroisse Saint-Nicolas le 26 février 1768, fils de Louis-François, originaire de Langres et fabricant de pain d'épice. Il épouse Anne Lavenir, fille de marchand de pain d'épice. Devenu veuf, Boittier épouse Adrienne Gerbet.
Le 6 ventôse an XIII, il acquiert l'hôtel Catin de Richemont, sis 13, place Saint-Jean (place Bossuet actuelle). Ses affaires prospèrent :
M. Boittier, fabricant de pains d'épice de toute espèce, façons de Reims et Montbeillard, fait pains d'épice de santé, et toutes sortes de croquets en pâte d'amande et à la fleur d'orange. Il a un assortiment en grand de tous ces objets pour le jour de l'an. (annonce parue dans Le journal de la Côte d'Or, 20 floréal an XIII).

En 1842, Boittier fait repeindre la façade de son magasin, place Saint-Jean. Il restaure également le toit. La maison a été conservée en l'état (maison à pan de bois et encorbellement, dans sa partie supérieure).

Barnabé Boittier prend sa retraite à soixante ans. Il se retire en 1838. Son fils Auguste est avocat. La boutique est donc vendue à Louis Mulot, âgé de vingt ans, fils d'un serrurier de Lux (Côte d'Or). Mulot épouse en 1841 la nièce par alliance de Boittier, qui est son témoin. Le deuxième fils de Mulot reprend la maison en 1880 et la maintient jusqu'en 1901 puis il la cède à son gendre, Louis-Auguste Petitjean, fils d'Antoine-Alfred, confiseur. Louis-Auguste fabrique déjà du pain d'épice. Il est le successeur de Jean-François Céry, fabricant de pain d'épice rue Bossuet, n°21, né en 1828.

La maison Mulot-Petitjean est formée. A l'heure actuelle, cette maison reste la seule héritière d'une longue tradition de fabricants de pains d'épice.

Le XIXème siècle.

La réputation de Dijon est acquise à la fin du XIXème siècle. La Grande Encyclopédie (1885-1902) précise : En France, le pain d'épice le plus renommé pour sa finesse est celui de Dijon.
A partir de 1850 et jusqu'en 1940, Dijon compte en moyenne huit à douze fabriques de pain d'épice :
Mulot-Céry-Petitjean ;
Auger (56, rue des Forges) ;
Boucher (rue de l'Ecole de Droit, jusqu'en 1867)
Bourgeois (rue Piron, de 1862 à 1880) ;
Couturier (rue Amiral Roussin, de 1868 à 1885) ;
Loidreau (rue Amiral Roussin, de 1885 à 1896) ;
Rondot (rue du Chapeau Rouge, passé à Philbée en 1895) ;
Tanret (rue Piron, de 1877 à 1889) ;
La Veuve Agron (rue Piron, de 1889 à 1903) ;
Sarette, puis Bertrand (rue de la Liberté, en 1901) ;
Michelin (rue du Chapeau Rouge) ;
Guilleminot (rue du Chemin de Ronde) ; .........

Fabriques et production.

En 1911, douze fabriques emploient 170 personnes. La production est de 3 tonnes par jour.
En 1940, quatorze fabriques occupent 300 ouvriers et produisent 25 tonnes par jour. La maison Philbée a jusqu'à 100 employés : après les fours à bois où sont brûlés les bouleaux de Hauteville, Charles Philbée, d'origine parisienne, a des fours à coke puis des fours à gaz à balancelle.
Après 1945, la production tombe à 1256 tonnes en 1946. En 1956, le tonnage d'avant la guerre est légèrement dépassé (4500 tonnes). Mais les fabriques ont disparu l'une après l'autre : le vrai pain d'épice demande une fabrication artisanale qui se révèle trop exigeante.

Sources :
- Le pain d'épice de Dijon, Martine Chauney,
Ed. MC2 1997, 2ème édition, réimpr. 2001.
- Histoires de moutarde, cassis et pain d'épice, Guy Renaud, Les éditions du Bien Public, Dijon, 1987.