Ce n'est que
vers le milieu du XIXème siècle qu'apparaît la
crème de cassis, dont la fabrication industrielle va relancer
la culture du petit fruit en Côte d'Or.
En 1836, Auguste Lagoutte, qui tenait
le Café des Milles Colonnes, place d'Armes (place de la Libération
actuelle), installe une fabrique de liqueurs ainsi qu'un entrepôt
d'absinthe, au n° 63 de la rue Chabot-Charny.
Quelques années plus tard, à l'occasion d'un voyage
à Paris, il constate que la consommation de cassis est très
grande dans la capitale. Lagoutte est en particulier frappé
par la consommation du ratafia de Neuilly dans les caboulots tant
appréciés des peintres impressionnistes.
De retour à
Dijon, il établit avec son associé François Mutin,
en 1841, rue des Moulins, la fabrique de liqueurs de Lagoutte et Mutin
et la distillerie et entrepôt d'eau-de-vie de Lagoutte et Mutin.
En 1854, le fils d'Auguste, Alfred, transporte
son affaire rue Saint-Nicolas (actuelle rue J.J. Rousseau) et Saint-Martin
(actuelle rue Auguste Comte), dans une maison neuve où il travaille
désormais avec son frère Gustave et avec son beau-frère
Henri Lejay. La maison Lejay-Lagoutte
occupe différents bâtiments pour ses fabrications et
son commerce, avant d'aller s'établir à l'angle des
rues Ledru-Rollin et Jean de Cirey, où les propriétaires
font construire une distillerie toute neuve. En 1940, une bombe détruit
les entrepôts. Une nouvelle usine est alors édifiée
rue Ledru-Rollin.
La première
année, Auguste Lagoutte a du mal à trouver les petits
fruits nécessaire à la fabrication de la crème
de cassis. On raconte que les premiers fruits sont achetés
au prix de huit francs les cents kilos à Monsieur Bizot-Perrot,
qui est alors maire de Talant.
Vers 1845, la production atteint alors 250 hectolitres de liqueur.
Dès 1857, plus de dix entreprises livrent ensemble plus de
10 000 hectolitres de crème de cassis.
Les débouchés semblent assurés et la culture
se développe. En 1873, la Côte d'Or compte plus d'un
million de pieds de cassis, répartis sur 300 hectares.
En 1845,
un autre Dijonnais entreprend la fabrication de crème de cassis
: Jean-Baptiste Louis L'Héritier.
Production
au début du XXème siècle :
Dans les années 1920, on produit du cassis (le fruit) dans
36 départements français. La Côte d'Or arrive
en tête, et de très loin, avec environ 1500 tonnes de
fruits produits par 1 800 000 pieds. Les fruits récoltés
en Côte d'Or sont les plus appréciés. La plus
grande partie des récoltes est écoulée auprès
des liquoristes dijonnais. On exporte aussi largement vers l'Angleterre
et la Hollande.
Arrêt
du 21 décembre 1923 : Les
fabricants dijonnais décident de protéger l'appellation
de la crème de cassis dijonnaise. En effet, certains liquoristes
français commencent à imiter ce produit. Ils font
valoir leurs droits vis-à-vis de la concurrence. Un arrêt
de la Cour d'Appel de Dijon, rendu le 21 décembre 1923 :
"l'appellation Cassis de Dijon indique une origine incontestablement
limitée. Grammaticalement et logiquement, le produit ainsi
dénommé, qui a acquis depuis un temps déjà
long, une renommée dont le résultat est de le faire
préférer aux liqueurs similaires fabriquées
dans d'autres localités, ne saurait provenir que de la ville
de Dijon"."Le légitime bénéfice de
la spécialité dijonnaise ne pouvait échapper
à la ville où elle a pris naissance et dont elle porte
le nom".
La dénomination Cassis de Dijon désigne donc depuis
1923 une appellation d'origine, une dénomination de provenance.
Utilité
de la culture du cassis
en Côte d'Or : La culture
du cassis en Côte d'Or est d'abord complémentaire. C'est
souvent le travail de la femme du vigneron. Les cassissiers, qui sont
des arbustes, forment des haies en bordure des vignobles. Lors de
la crise du phylloxéra, dans les années 1880 -le vignoble
bourguignon est alors détruit en bonne partie-, la culture
du cassis prend de l'extension. Certains viticulteurs, ruinés,
se rabattent, faute de mieux, sur la culture de petits fruits. Le
développement de l'industrie de la liqueur vient à point
nommé.