La création
de cet ordre de chevalerie est, aux yeux de Philippe
le Bon, une de ses plus belle réussite. L'esprit chevaleresque
s'y marie à merveille avec la pompe et le luxe tant appréciés
du Duc. L'honneur et la beauté s'y côtoient. La vaillance
s'y accomode de l'esprit romanesque. Alors que Jeanne
d'Arc oeuvre à reconquérir le pays de France,
Philippe dont l'astre ne cesse de s'élever, veut couronner
son règne par cette fondation qui doit éclipser
toutes les autres. Les chevaliers de l'Etoile, créés
par Jean le Bon, père de Philippe
le Hardi, ne lui ont pas survécu. Les Anglais, par
contre, ont un ordre brillant, celui de la Jarretière.
Philippe, dont les sentiments profonds sont anglophobes, veut
faire mieux encore. L'ordre de la Jarretière est créé,
dit-on, en l'honneur d'une femme, celui de la Toison d'Or aussi.
Philippe est fort galant et ses bâtards sont fort nombreux.
Volontiers, Philippe dissocie le mariage de la galanterie. Alors
qu'il épouse sa troisième femme, Isabelle de Portugal
-à Bruges en 1430- pour laquelle il prend comme devise
"Autre n'aurai" (il entend par là autre femme et non pas
autre maîtresse), il éprouve, semble-t-il, une passion
pour une blonde dame de Bruges. Cette dernière ayant été
le sujet de moqueries, il institue pour la venger cet ordre dont
le titre à double sens est parlant : la Toison d'Or.
L'ordre doit se composer
de trente et un chevaliers, nobles de nom et d'arme et sans reproche.
Le chef en est le duc Philippe et, après sa mort, ses successeurs
ducs de Bourgogne. Les chevaliers portent le collier de l'ordre
qui est une chaîne d'or formée de briquets que l'on
nomme alors fusils, en alternance avec un faisceau de flammes.
L'étrange briquet que l'on voit sur le collier de l'ordre
est l'emblème de Philippe. Il signifie que si on le heurte,
il s'enflamme. A ce collier est attachée la toison, c'est-à-dire
la dépouille du mouton fabuleux, suspendue en son milieu.
La Sainte-Chapelle de Dijon, démolie en 1802, devient le
siège mondial de la Toison d'Or.
Cet
ordre est revendiqué par la maison de Bourbon en Espagne
et par la maison de Habsbourg en Autriche.
Marie
de Bourgogne transmit
cet Ordre à son mari, Maximilien de Habsbourg. Dans un
premier temps, la maîtrise de la Toison d'or resta attachée
aux aînés de la maison de Habsbourg, également
rois d'Espagne (une heureuse politique matrimoniale poursuivie
par Maximilien, permit à Charles Quint, petit-fils de Marie
de Bourgogne, de cumuler l'héritage de trois dynasties
: autrichienne, espagnole et bourguignonne).
A l'extinction de la
maison d'Autriche en Espagne en 1700,
les Bourbons accédèrent au trône espagnol
en la personne de Philippe V, Duc d'Anjou et petit-fils de Louis
XIV. Celui-ciconserva la Toison d'or. Il prétendit même
porter le titre de Duc de Bourgogne et obtenir ainsi la suzeraineté
de l'Ordre ducal. Charles VI, empereur germanique, s'y opposa.
Il tenta de s'assurer l'héritage des Habsbourgs de Madrid
et de reconstituer l'héritage de Charles Quint, à
la faveur de la guerre de la Succession d'Espagne. Il renonça
à la couronne d'Espagne en 1711.
Depuis,
l'ordre de la Toison d'or est à la fois autrichien et espagnol.
L'ordre
espagnol a cependant
perdu ses statuts au XIXème siècle. C'est aujourd'hui
une décoration d'Etat, administrée par la maison
royale depuis 1977 et conférée par décret
contresigné par le Premier Ministre. Le Roi Juan Carlos
en est le chef et souverain depuis 1975.
La
Toison d'or autrichienne est
beaucoup plus respectueuse de la tradition initiale : elle respecte
toujours les statuts de l'Ordre du XVème siècle,
elle respecte la foi catholique. Elle maintient toujours l'esprit
européen de l'Ordre.
De plus, elle possède
des archives et d'anciens insignes, parmi lesquels la Croix du
serment provenant de Philippe le Bon.
L'archiduc Otto de
Habsbourg en est le souverain depuis 1930.
Source
:
Aimer la Bourgogne,
Jean-Fançois Bazin, éditions Ouest-France, 1998,
p.47.
Les très
riches heures de Bourgogne, Dominique Paladilhe, Librairie académique
Perrin, p. 284
|