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Le
caractère de Charles
Le caractère du nouveau duc de Bourgogne forme avec celui de son père
un vivant contraste. Certes, le duc défunt et son fils ont communié dans
un même culte pour leur maison princière ; fastueux, orgueilleux à l'extrême,
l'un et l'autre le sont. Mais, alors que Philippe
le Bon est plutôt "nonchalant dans les affaires", on voit son fils
Charles appliqué, laborieux, à tel point qu'on le nomme "Charles le Travaillant".
Georges Chastellain l'appelle aussi "le Hardi" (le nom de "Téméraire"
est tardif). Hardi, il ne l'est que trop pour son malheur et celui des
siens; le nouveau duc de Bourgogne chérit la gloire comme on aime une
maîtresse...Cette volonté de puissance, Commynes l'a sentie. "La
moitié de la terre ne l'eut su contenter" écrit le sagace historien. Autre
trait de caractère qui le différencie de son père, alors que ce dernier
s'est toujours proclamé prince français, Charles se considère presque
comme un souverain étranger. A-t-il dit : Nous autres, Portugalois,
faisant référence à ce sang lusitanien qu'il tient d'une mère chérie?
Il prononce en tout cas ces paroles révélatrices : Nous qui sommes
mi de France, mi de Portugal...
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Imbu
de la gloire de sa Maison
Magnifique en ses vêtements,
ses bijoux, ses équipages, imbu de la gloire de sa Maison, Charles le Téméraire
veut renforcer encore l'étiquette de la Cour fastueuse qui l'entoure. Il promulgue
à cet effet un nouveau règlement à l'usage des officiers de son hôtel. Au
palais Rihour de Lille, la fastueuse construction paternelle, au "Coudenberg
", c'est déjà un peu Versailles. Mais le quatrième duc Valois fit de Malines,
qu'il préfère à Bruxelles, le centre de ses États. Là, doit siéger
le Parlement qui aura sur tous ses duchés et comtés les pouvoirs judiciaires
les plus étendus.
Avant d'entreprendre ses
plus grandes conquêtes, Charles veut se doter d'une solide armée. En 1471,
sont constituées, sur le modèle français, les compagnies d'ordonnance bourguignonne,
mais, et c'est l'une des causes de ses désastres, ces Compagnies solides comportent
un trop grand nombre de mercenaires. Si l'artillerie bourguignonne est remarquable,
le duc ne met pas assez de soin au recrutement de son infanterie. Grave imprudence...
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Le
piège de Péronne
Simultanément
il résoud de rencontrer son "bon cousin de Bourgogne" à Péronne - on est à
l'automne 1468 - et il laisse croire aux Liégeois qu'il les soutiendra dans
leur action contre leur prince-évêque et son puissant protecteur, le duc de
Bourgogne. Double jeu dangereux. Averti que les Liégeois se soulèvent
au cri de Vive le roi de France !, le Téméraire, indigné, se saisit
de la personne de son hôte. Charles le Téméraire est vainqueur sur toute la
ligne ; les Liégeois? il les domptera comme il les a toujours domptés ; le
roi est en son pouvoir. Mais que faire d'une telle victoire? Le supprimer,
il n'y songe sans doute pas ; la France n'est pas l'Angleterre des Plantagenêts,
et toucher à l'Oint du Seigneur est un sacrilège devant lequel il a certainement
reculé. Le déposer et le remplacer par son frère, le faible Charles de Valois,
qui ne serait qu'une marionnette dans les mains de son puissant vassal ? Le
projet est plus séduisant bien qu'il ne soit pas exempt de périls. Le Téméraire
résoud de traiter et contraint le roi Louis à signer le traité de Péronne,
qui doit démembrer le domaine royal ; la Champagne est attribuée en apanage
à Charles, duc de Normandie; ainsi Paris est privé de sa couverture de places
fortes. L'humiliation de la Couronne n'est pas assez complète; l'orgueilleux
duc de Bourgogne entraîne son royal cousin à demi-prisonnier jusqu'à Liège,
afin d'assister au châtiment de la cité qui n'échappe pas à
l'un des sacs les plus atroces de l'Histoire. Dans la neige et les frimas,
les survivants sont traqués comme des bêtes. Rentré à Paris, humilié mais
sauf, Louis XI invoque la contrainte qu'il a subie pour renier sa parole.
Son rival crie vainement à la forfaiture.
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Charles
le Téméraire hérite de son père de plusieurs graves soucis :
1
- Il est de fait que la puissance de la Maison de Bourgogne ne peut croître
durablement si ses États du nord et ses fiefs patrimoniaux du sud sont à jamais
séparés par le duché de Lorraine et le langraviat d'Alsace. Les principaux
efforts du nouveau duc vont se porter sur ce point crucial.
2 -
Le caractère mutin des Flamands et des Wallons de Liège ne laisse pas aussi
de l'inquiéter. Les Gantois offrent à leur duc-comte, en guise de joyeux avènement,
et ceci dès 1467, la dangereuse émeute de la " Saint-Liévin " qu'on a grand
mal à apaiser. Faire rentrer les Liégeois mutins dans l'obéissance est encore
plus pressant; rien n'est moins bien assuré que le pouvoir de l'archevêque
Louis de Bourbon. A l'automne 1467, Charles vainc les révoltés à Brusthem
et commence à démanteler leurs murailles. Il lui faut faire face de tous côtés,
calmer les États provinciaux. Au chapitre de la Toison d'or, à Bruges, en
mai 1468, le fier duc de Bourgogne doit endurer des critiques qui lui déplaisent
souverainement.
3 -
Charles recherche les alliances qui lui permettront de soutenir son ambitieuse
politique. Le mécontentement de ses peuples ne l'empêche nullement d'épouser
en juillet 1468, dans la riche ville de Bruges, la séduisante Marguerite d'York,
soeur du roi Edouard d'Angleterre.
4 -
Entre la France et la Bourgogne existe un état de guerre larvée qui exaspère
le roi Louis XI. Trop confiant en son étoile, il tente alors une manoeuvre
subtile qui faillit bien lui coûter cher :
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La
revanche de Louis XI
Après cette cuisante humiliation, Louis XI ne songe qu'à préparer
sa revanche. Il donne l'ordre aux chefs de l'armée royale d'éviter
les batailles rangées et de laisser le duc de Bourgogne s'épuiser
dans une inutile guerre de siège. Celui de Beauvais est resté
célèbre en raison de l'héroïque et victorieuse résistance
de la population, parmi laquelle s'illustrent plusieurs femmes, dont Jeanne
Laisné, dite Jeanne Hachette (1472) car elle tue, d'un coup
de hache, un porte-étendard bourguignon. La rage au coeur, le Téméraire
doit lever le siège; sa tentative d'invasion de la Normandie ne rencontre
pas plus de succès, et l'orgueilleux duc est contraint de revenir dans ses
États, cruellement morfondu. Il lui faut à tout prix redorer son blason par
quelque coup d'éclat...
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