Le Puits de Moïse De haut en bas : la grande croix (culminant à 6 mètres), le Christ, les saintes femmes et l'apôtre, groupe reposant sur une grande table de pierre ; celle-ci supportée par un pilier massif taillé en hexagone et plongeant dans l'eau du puits élargi en bassin ; sur chacune des six faces, un prophète adossé (haut de 2 mètres). Entre ceux-ci et les surplombant, des anges penchés en avant portent la plate-forme du piédestal. Ils sont vêtus d'aubes et de dalmatiques (tuniques que les diacres revêtent par-dessus leurs autres habits pour les cérémonies). Représentons-nous l'oeuvre à cette époque, dans son intégralité et l'éclat de ses coloris puisqu'il n'en subsiste plus aujourd'hui que le soubassement sculpté (les statues des prophètes) dépourvu des couleurs d'antan : le décapage de 1947 a permis de retrouver des traces importantes de l'ancienne polychromie (les statues étaient revêtues d'or et de couleur par Jean Malouel et Hermann de Cologne). Le fond des niches étaient d'une teinte noirâtre destinée à faire ressortir davantage les figures. Les moulures creuses de la corniche et les filets saillants étaient dorés. Les couleurs des statues des Prophètes (en 1406) : - Moïse
: tunique rouge et manteau d'or doublé d'azur. Les socles des statues étaient verts (c'est la représentation du terrain). Les moines choisissent évidemment, pour les faire représenter par le sculpteur, les écrivains sacrés de l'époque de la Première Alliance qui leur semblent avoir annoncé avec le plus de précision, des siècles avant l'évènement, la mort de Jésus sur la Croix, scellant dans son sang la Nouvelle Alliance avec Dieu (ou Nouveau Testament). Aussi, en tournant autour du puits, rencontre-t-on successivement : - Moïse,
le grand patriarche à qui l'on attribue la rédaction des
premiers livres de la Bible et qui, ici, semble surgir du Sinaï,
les tables de la Loi à la main droite tenant de la gauche une bande
de parchemin à inscriptions (appelée phylactère)
où figure en latin ce texte écrit en lettres gothiques :
- David, le célèbre et puissant roi qui a écrit prophétiquement dans le psaume 22 : "Foderunt manus meas et pedes meos, numerarunt ossa" (Ils percèrent mes mains et mes pieds. Ils nombrèrent mes os). - Jérémie, auteur du livre des Lamentations, dont le phylactère porte cet extrait pouvant s'appliquer au Christ ou à la Vierge de Pitié : "O vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus" (O vous qui passez sur le chemin, regardez-moi et voyez s'il est une douleur semblable à la mienne). - Zacharie, qui annonce ainsi la trahison de Judas livrant son maître à la mort : "Appenderunt mercedem meam triginta argenteos" (Ils ont estimé ma rançon à trente deniers d'argent). - Daniel prononce un oracle : "Post hebdomadas sexaginta duas occidetur Christus" (Après soixante-deux semaines d'années, Christ sera tué). - Isaïe fait cette prédiction : "Sicut ovis ad occisionem ducetur, et quasi agnus coram tondente se obmutescet et non aperiet os suum" (Il sera conduit à la mort comme une brebis, et, comme un agneau devant le tondeur, il se taira et n'ouvrira pas la bouche). Tous ces personnages sont pleins de vie et expriment chacun de façon bien personnelle les sentiments de gravité ou de compassion conformes à la scène qui se déroule au-dessus d'eux. Avant la fin du XVIIIème siècle, cette merveille d'art et de foi est mutilée de son sommet, qui lui donne tout son sens. Heureusement, le principal débris du Calvaire est retrouvé : c'est le buste du Christ crucifié, dont le très beau visage reflète à la fois les souffrances de l'agonie et la sérénité de la mort offerte. Il figure aujourd'hui dans les collections du Musée archéologique de Dijon. Entouré par les bâtiments de l'asile départemental d'aliénés devenu hôpital psychiatrique de la Chartreuse, le Puits de Moïse, témoin de la sculpture burgondo-flamande, classé monument historique en 1840, est l'un des restes de l'ancien couvent des chartreux ou chartreuse qui existait à cet endroit avant la Révolution. Même réduit à sa moitié inférieure et décoloré, le chef-d'oeuvre de Claus Sluter garde une très grande valeur.
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