L'AMERIQUE
EFFONDRÉE
Les réactions à Dijon
Une
série d'attaques terroristes à l'ampleur jamais vue
dans le monde a frappé simultanément hier Washington
et New York, où l'attentat le plus spectaculaire a provoqué
l'effondrement des deux tours du World Trade Center. Aucun bilan
n'était disponible hier, mais les responsables américains
évoquaient le risque d'un nombre de victimes extrêmement
lourd. Quelque 40 000 personnes travaillent chaque jour dans les
deux tours. Les attentats, non revendiqués, ont suscité
une condamnation internationale quasi unanime. Nous vous donnons
ici les réactions à Dijon.
Jean-Pierre
Soisson
Le
président du conseil régional de Bourgogne, Jean-Pierre
Soisson, ancien ministre dÉtat, a lui aussi envoyé
à lambassadeur des États-Unis, et au nom de
tous les Bourguignons, le message suivant : « Je vous prie
de bien vouloir transmettre au président George Bush la profonde
émotion et le soutien de la Bourgogne tout entière
et de ses habitants dans lépreuve que traversent actuellement
les États-Unis dAmérique.
Les attentats subis hier par le peuple américain sont injustifiables
et unanimement condamnés par les Bourguignons, quelles que
soient les opinions et les sensibilités de chacun. Aucun
acte, aucune situation ne peuvent justifier une telle barbarie :
sachez que nous sommes résolument à vos côtés
et que nous partageons la douleur des Américaines et des
Américains frappés par ce drame épouvantable.
Lhistoire a démontré que votre peuple est un
grand peuple : je sais quil saura surmonter cette terrible
épreuve avec la dignité et la grandeur qui sont les
siennes. »
François Rebsamen
Dans
un message envoyé hier en fin daprès-midi à
lambassadeur des États-Unis en France, François
Rebsamen, maire de Dijon, a tenu à exprimer sa solidarité
aux victimes des attentats de New York :
« En ce jour de commémoration de la Libération
de la Ville de Dijon de la barbarie nazie, le désastre et
la terreur viennent de frapper au plus profond de son être
le peuple américain, peuple ami et lié étroitement
à lhistoire de la paix et de la tolérance de
notre pays et de lEurope.
« La municipalité de Dijon, les Dijonnaises et les
Dijonnais adressent aux parents des victimes, à tous les
citoyens attachés à la défense des valeurs
de la démocratie leur témoignage fraternel de solidarité.
« Nous condamnons avec la dernière fermeté les
auteurs de ces attentats aveugles et atroces. »
Vigipirate
renforcé depuis hier soir
Les
responsables de la police ont tenu hier après-midi, sitôt
lannonce du déclenchement du plan Vigipirate renforcé,
une courte «réunion de crise» au commissariat
central de Dijon, place Suquet. Dès hier soir, des policiers
en repos ont été rappelés, les patrouilles
ont été renforcées, les surveillances des points
sensibles ont été accrues, et certains sites ont été
placés «sous surveillance rapprochée»
selon le commissaire divisionnaire Niel, directeur départemental
de la sécurité publique, sans autre précision.
Par ailleurs, policiers et gendarmes ont recensé toutes les
entreprises à capitaux américains du département.
Et
il faudra sattendre dès aujourdhui à voir
le retour des contrôles daccès dans les lieux
publics.
Les
entreprises américaines sous surveillance
Quelles
seront les répercussions des attentats sur les liens économiques
établis entre les USA et la Bourgogne ? Sil est encore
trop tôt pour le dire, il est toutefois à signaler
que dès hier après midi les services de police français
recensaient les entreprises bourguignonnes dépendant de groupes
américains, probablement pour les soumettre à des
mesures de sécurité renforcées dans le cadre
du plan Vigiepirate. En Bourgogne, 58 établissements sont
majoritairement dépendantes de capitaux US. Parmi eux, 23
sont établis en Côte-dOr, 22 en Saône-et-Loire
et 13 dans lYonne. La plus importante en taille est sans doute
dans la région lusine de Kodak Industrie à Chalon-sur-Saône
détenue à 51 % par lEastman Kodak Company et
qui emploie plusieurs centaines de salariés.
La tragédie vécue par les USA a néanmoins connu
hier ses premières retombées concrètes avec
lannulation à 24 heures du départ, du voyage
organisé par le palais des congrès et expositions
de Dijon au Québec pour préparer la toute prochaine
foire
internationale et gastronomique de Dijon.
Dautre part certaines stations services du département,
à Dijon notamment, ont été littéralement
prises dassaut par les automobilistes craignant visiblement
soit une pénurie de carburant, soit une flambée du
prix de lessence.
Jeff
Lloyd à la Cloche
Actuellement
en voyage daffaires dans lhexagone, Jeff Lloyd séjourne
à lhôtel Sofitel la Cloche à Dijon. En
balade au centre ville au moment où il a appris la tragédie
new-yorkaise, cet homme daffaires est revenu, en toute hâte
à son hôtel, hier à 18 heures, afin de pouvoir
suivre les événements sur CNN. « Nous ne pouvions
pas imaginer que quelque chose daussi terrible puisse arriver,
que lon puisse connaître une telle barbarie. Cest
un désastre pour la grosse pomme (ndlr : New York) mais aussi
pour tous les USA
nos aéroports sont fermés,
nos communications coupées », sest-il insurgé.
Avant davouer : « Je dois rentrer vendredi prochain
Je suis totalement effrayé ». Jeff Lloyd est originaire
de Boston, où le premier avion qui sest écrasé
sur le World Trade Center a été détourné.
Alex
Miles, professeur à lEcole Supérieure de Commerce
Alors
que, quelques mètres plus loin, les étudiants doutre-Atlantique
suivaient, les larmes aux yeux, le flux continu dhorreurs
sur CNN, Alex Miles, professeur de langues à lESC Dijon
Bourgogne, était très troublé. Avant denseigner
dans la capitale des Ducs, cet Américain a vécu dans
le Bronx à New York. « Je vois une partie de ma vie
détruite. Mon beau-frère et mon neveu, qui exercent
la profession davocat, sont là-bas et je nai
aucune nouvelle », a-t-il déclaré, avant de
confier : « Un ami proche travaillait comme chef exécutif
au restaurant Windows of the World, au dernier étage de lune
des tours du World Trade Center. Jai failli y devenir chef
pâtissier ». Et de mettre en garde : « Malgré
lampleur de la tragédie, il faut garder son sang froid
(
) il ne faut pas attiser la haine et jespère
que la réaction de Georges Bush sera politiquement correcte
car il est difficile dimaginer la tournure, sur le plan mondial,
des événements ».
Ben
Grandy, exportateur dans le vin
En
Bourgogne pour son activité professionnelle, plus précisément
pour sa société « Adventure of wine »
(laventure du vin), Ben Grandy est sous le choc. Dans le hall
de lhôtel Sofitel-la Cloche, cet habitant de San Francisco
ne cache pas son émotion. « Cest effrayant. On
ne peut pas croire ce quil vient de se passer. Jai lestomac
retourné. Je viens de contacter ma mère il y a une
vingtaine de minutes. Jai un ami ainsi que mon frère
qui vivent à New York mais je nai pas réussi
à les joindre. Il y a beaucoup de monde qui déteste
les USA et qui conteste notre statut de superpuissance. Cest
un message qui nous a été adressé ainsi quau
monde entier. Je dois reprendre lavion dans une semaine. Cela
me fait peur », confie-t-il.
Les
étudiants américains de lESC
Dans
un silence quasi religieux, les yeux rougis des étudiants
américains, actuellement à lESC, sont tournés
fixement vers la télévision branchée en continue
sur CNN depuis lannonce de la tragédie qui touche lAmérique.
Assis en demi-cercle, ils écoutent, incrédules, les
informations délivrées par les reporters. Certains
viennent de New York ou ils y ont de la famille, des amis qui vivent
ou travaillent non loin des lieux du drame. « Les élèves
ont appris ce qui se passait lorsquils sont sortis de cours
», explique la responsable de laccueil des étudiants
étrangers. « Nous avons décidé de laisser
CNN toute la nuit. Ce soir, nous devions organiser une petite réception
avec leurs familles daccueil. Ce qui arrive est terrible.
Et actuellement, il est impossible de contacter qui que ce soit
sur place ».
Les
AMERICAINS sur les canaux
Spécialisée
dans les voyages au fil de leau sur des paquebots fluviaux
haut de gamme, la société Continentale de croisières,
dont le siège social est à Dijon, accueille en ce
moment un peu plus de 300 touristes américains en France
dont 200 environ sur les canaux bourguignons. « Les gens sont
très choqués », explique Bernard Touzet, directeur
commercial de lentreprise. « Certains ont été
appelés par leur famille avant que nous ayons pu faire une
communication officielle, dès que nous avons eu connaissance
des événements. Nous avons mis à la disposition
de nos clients tous les moyens matériels et humains de la
société pour les aider à vivre ces moments
très difficiles. Et nous avons pris des mesures de sécurité
supplémentaires. »
Mathieu
à Dallas
Ingénieur
français à Dallas, Mathieu travaille pour lindustrie
pétrolière chez Schlumberger. Hier après midi,
il a dialogué en direct, via Internet et les e-mail, avec
son copain Jérôme Delziani avant que les communications
téléphoniques longue distance entre les Etats-Unis
et lEurope ne soient coupées pour raisons de sécurité
militaire. Dijonnais, Jérôme travaille à Londres
depuis une semaine pour la société française
de jeux vidéo Infograme. Daté de 9 h 41 (17 h 41 heure
française), soit quelques minutes seulement après
le début de la catastrophe, Mathieu lui faisait part de ses
inquiétudes : « Cest la guerre mon pote ! Ici
on flippe car nous sommes le centre énergétique des
USA. Moi je suis au travail, mais Chevron, BP et Shell ont déjà
évacué leurs buildings
» Hier soir à
Londres, dans le quartier de Hammersmith où il travaille,
Jérôme a également assisté à lévacuation
des bureaux voisins de ceux de son entreprise. Après avoir
regardé CNN sur un écran géant placé
à laccueil de limmeuble, les employés
de plusieurs compagnies ont été autorisés à
rentrer chez eux.
Les
joueurs de la JDA
Trempés
de sueur après lentraînement journalier, les
trois Américains de la JDA sont éberlués lorsquils
prennent connaissance de la catastrophe qui vient de frapper les
États-Unis. Mike Jones est le premier à sexprimer.
« Jai appris la nouvelle juste avant lentraînement.
Je ne sais pas exactement ce qui sest passé
(on
lui explique)
Je suis vraiment très triste. Cest
une tragédie. Je ne comprends pas comment cela a pu se produire.
» À quelques mètres de lui Dwayne Perry est
tout aussi pétrifié devant lincroyable nouvelle
: « Les gens qui ont fait cela sont des fous. Ils nont
aucune conscience de ce que représente la vie. Cest
vraiment très grave. » Quand à la cause de ce
drame, Dwayne demeure perplexe : « Il ny a pas dexplication.
» Darren Fenn renchérit : « On se dit bien sûr
que tout peut arriver mais une telle chose on ne limagine
même pas. » Et les mêmes mots que ceux employés
par ces deux compatriotes reviennent dans sa bouche : « Cest
triste ; cest horrible. »
Les tours jumelles du World Trade Center qui brûlent, limage
est apocalyptique. Perry : « Ces deux tours faisaient partie
de lhistoire de la ville de New York. » Fenn va même
plus loin : « Ces tours représentent New York, un endroit
où des gens de la terre entière viennent. Elles étaient
vraiment très symboliques. Je crois que jamais personne noubliera
ce qui sest passé. » Très croyant, Dwayne
Perry conclut : « Maintenant il faut prier pour tous ces gens
qui sont morts. »
Mis en ligne le Mercredi, 12 septembre 2001
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