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Dijon
La mayonnaise du PS semble prendre à Dijon
La troisième tentative de François Rebsamen pourrait être la bonne.

Par RENAUD DELY

Le jeudi 15 mars 2001

envoyé spécial

Lundi, François Rebsamen a eu droit à la récompense dont rêve tout bon élève socialiste: un coup de fil de félicitations de Lionel Jospin. «Souviens-toi Lionel, je t'avais dit en janvier que j'allais gagner.» Réplique amusée du Premier ministre: «Si tu savais le nombre de ceux qui m'ont dit qu'ils allaient gagner. Quand je regarde les résultats...»

Au lendemain du premier tour, Dijon (Côte-d'Or) apparaît comme l'une des rares villes de plus de 100 000 habitants susceptibles de basculer de droite à gauche. En virant en tête avec 42,16 % des voix, François Rebsamen (PS) aborde le second tour en favori, avec 990 voix d'avance sur Jean-François Bazin (RPR), qui a obtenu 39,76 %. Le secrétaire national du PS chargé des fédérations a beau jouer de la calculette dans tous les sens, se priver de quelques reports MDC, gratifier son adversaire d'un éventuel regain de mobilisation, il se dit «certain» de conquérir le palais des Ducs de Bourgogne. Et de tourner la page du règne trentenaire d'un baron gaulliste, Robert Poujade (RPR), 72 ans, qui ne se représentait pas.

Oracle. Parrainé en politique par Pierre Joxe à l'orée des années 80, lorsque celui-ci dirigeait la région Bourgogne, Rebsamen, battu en 1989 puis 1995 par Poujade, est sûr que l'oracle que lui avait glissé Mitterrand s'avérera juste: «La troisième tentative sera la bonne... si vous êtes encore là.» Signe d'une assurance qui flirte avec l'excès de confiance, il a écarté d'un revers de main les offres de services chevènementistes. Fâché de voir la mairie voisine de Chenôve, autrefois détenue par le défunt Roland Carraz (MDC), repasser dans les mains du PS, Pierre Pertus (MDC) a fait cavalier seul au premier tour. Trop faible pour se maintenir (5,56 %), il est venu quémander lundi une fusion pour le second tour. Rebsamen l'a envoyé paître. Conséquence de la brouille, le MDC appelle ses troupes à «se déterminer en conscience». Avertissement que Pierre Pertus atténue: «Nous sommes des hommes et des femmes de gauche, chacun le sait.»

Tête-à-tête. Côté réserves de voix, Jean-François Bazin est beaucoup plus mal loti. Il ne peut guère lorgner que sur les 2,69 % du candidat mégrétiste et sur les 5,7 % du lepéniste Charles Cavin (FN). Le leader du FN de Côte-d'Or, Pierre Jaboulet-Vercherre, appelle justement à voter pour le candidat RPR. Bouée de sauvetage ou baiser empoisonné? Selon le FN, l'accord se serait noué dans un hôtel dijonnais au cours d'un déjeuner en tête-à-tête Bazin-Cavin, mardi midi. «Les électeurs FN sont des Dijonnais comme les autres, je ne vais pas les récuser», commente Bazin, qui ajoute: «Avec le FN, j'ai déjà pris mes responsabilités...» En mars 1998, refusant de pactiser avec l'extrême droite, il s'est fait piquer la présidence de la région Bourgogne par Jean-Pierre Soisson, qui n'a pas eu les mêmes scrupules. «C'est la version que Bazin a présenté une fois qu'il a eu perdu», assène Jaboulet-Vercherre qui assure que l'intéressé avait, lui aussi, sollicité son aide. A l'époque, en tout cas, Bazin a été lâché en rase campagne par ses colistiers. L'épisode en dit long sur la popularité dont il jouit au sein de son propre camp.

L'homme se veut énergique et se fait appeler «JFB». Ses adversaires ont traduit: «J'en fais beaucoup.» Car, en fait de «JFK» dijonnais, Jean-François Bazin fait plutôt figure de Séguin bourguignon. La ville bruisse de coups de colère que ses colistiers traduisent par un pudique: «C'est vrai, Jean-François n'a pas un caractère facile... mais il fourmille d'idées.»

La droite a beau battre le rappel des troupes, l'unanimité qu'elle affiche depuis dimanche soir sent le replâtrage de façade. Robert Poujade lui-même a longtemps eu des relations orageuses avec Bazin, au point de le priver de toute délégation en mairie. Il a adoubé sa candidature du bout des lèvres... pour éviter celle du président du conseil général de Côte-d'Or, Louis de Broissia (RPR), son ennemi intime depuis qu'il lui a piqué un fauteuil de sénateur. Et Poujade ne s'est guère préoccupé de la campagne d'un successeur qui ne lui a pas demandé grand-chose. «Jean-François ne voulait pas d'une campagne "poujadisée"», confirme le député Jean-Marc Nudant (RPR), numéro trois sur la liste.

Résultat, Rebsamen s'est coulé dans les habits d'un successeur (quasi) naturel. Il épargne le bilan du maire sortant, gomme son étiquette socialiste, et se vante d'avoir toujours eu de «bonnes relations» avec Robert Poujade: «Un maire estimé pendant trente ans» qu'il oppose à son «adjoint rejeté par les siens depuis trente ans». Façon pour le chef de file de la gauche de préconiser une sorte d'«alternance tranquille». «Il est là depuis vingt ans, c'est pas un bébé-Cadum!, s'agace Bazin. Si on regarde les hommes, le site Internet et les permanences, il n'y a pas photo: on est les meilleurs!» Le local du candidat RPR, il est vrai, est plus lumineux.



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