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Opéra -Théâtre Helikon de Moscou
[Dijon] Giuseppe Verdi : Nabucco (v) [22/11/2004]
Genre : [Scène] Lyrique Visites : 17 Rédacteur : Edouard Bailly

Dijon. Auditorium. le 18-XI-2004. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Nabucco, opéra en quatre actes, sur un livret de Temistocle Solera. Nabucco : Igor Tarasov ; Abigail : Svetlana Sozdataleva ; Fenena : Xenia Vyaznikova ; Zaccaria : Alexander Kiselev ; Ismaël : Dmitri Ponomarev. Direction musicale : Evgeny Brajnik ; Mise en scène : Dmitri Bertman ; Décors : Igor Nejny ; Costumes : Tatiana Tulubyeva ; Eclairages : Damir Ismagilov. Chœurs de l’Opéra-Théâtre Helikon de Moscou (chef de chœur : Denis Kirpaniov) et du Duo/Dijon (chef de chœur : Bruce Grant) ; Orchestre du Duo/Dijon. Coproduction : Opéra-Théâtre Helikon de Moscou, le Duo/Dijon, Opéra de Massy.

Dans une récente interview publiée dans le mensuel Classica-Répertoire, Rinaldo Alessandrini, à qui on demande son avis sur le répertoire lyrique italien et verdien en particulier, rassemble en une manière de best of des pages de La Traviata, de Don Carlos, Othello ou Aïda, mais condamne d’un sec « à oublier » Nabucco et Rigoletto. Imaginez la perplexité du peuple lyricomane (et de surcroît italien) devant une telle sentence…. Imaginez la stupeur du public français à qui on suggérerait d’« oublier » Carmen et Faust….

Un Nabucco qu’on n’est cependant pas près d’oublier (et « on » est nombreux : l’auditorium – près de mille six cents places – ayant fait le plein pour cette soirée du 18 novembre), c’est bien cette représentation donnée par l’Opéra-Théâtre Helikon de Moscou en résidence, pour trois semaines, à Dijon.

Premiers points forts de cette production : ses décors, somptueux, et la mise en scène inspirée de Dmitri Bertman. Les décors de la première partie (actes I et II), outre qu’ils accordent une large place à la représentation du désert (sable et dunes) donnent en même temps, à l’aide de panneaux mobiles figurant des bas-reliefs aux lions et taureaux ailés, une image de la puissance et de la magnificence assyrienne au temps des Jardins suspendus de Babylone. A l’horizon de ce décor, viennent s’ajouter en seconde partie, seule concession à l’» actualisation » de l’histoire, des derricks symbolisant des puits de pétrole en activité, dans le même temps que le chœur « va pensiero », par un artifice de mise en scène, dessinera une étoile de David d’un effet hautement symbolique. Quant aux costumes, les Assyriens sont vêtus de couleurs vives ou, ainsi qu’il sied à la soldatesque, d’un gris anthracite luisant, alors que les Hébreux captifs sont habillés de costumes couleur sable, tel ce même sable que le vent disperse à travers le désert et qui semblera avoir englouti les richesses de Babylone quand Nabuchodonosor une fois renversé, ses appartements luxueux auront pris des allures de bunker-refuge.

L’indéniable « touche » russe de ce spectacle réside justement dans le soin tout particulier apporté aux décors et costumes, magnifiquement mis en valeur par des éclairages du plus bel effet et musicalement, par des chœurs aux contrastes de dynamique saisissants et par la prééminence des voix graves (Ah ! Les basses russes…). L’archi-connu et popularissime Va pensiero, sull’ali dorate, toujours chargé d’émotion et qui est aux Italiens ce que le Land of Hope and Glory d’Elgar est aux Anglais (une sorte d’hymne national « de cœur »), voit son dernier accord prolongé sur un point d’orgue d’une admirable rondeur ; et plus saisissant encore sera le chœur final Immenso Jehovah, magistralement conduit et frappant de contrastes poussés à l’extrême dans son dialogue avec le personnage de Zaccaria et l’ensemble du plateau vocal. Dans ce « plateau », et au chapitre des pleines satisfactions : Alexander Kiselev (Zaccaria), archétype de la basse russe puissante, ample, profonde, souveraine ; et Igor Tarasov, Nabucco quasi idéal tant en voix qu’en talent de comédien (bouleversant Dio di Giuda). Plus réservé sera notre jugement concernant les rôles féminins. Xenia Vyaznikova est certes une Fenena crédible et sensible mais ses options de phrasé ne sont pas toujours convaincants et, de même que chez sa partenaire Svetlana Sozdateleva (Abigail), le vibrato très accentué et strident qui affecte les aigus nuit quelque peu à la musicalité (c’est d’ailleurs là un fréquent « défaut » des sopranos russes). Cela dit, cette Abigail là ne manque pas de caractère ; c’est le moins qu’on puisse dire. Non seulement ses aigus émergent aisément d’un tutti orchestral jouant forte mais quelle femme dans la prestance ! Chevelure léonine et maniant le fouet avec une farouche insolence, c’est une quasi Cruella des Ecritures… ! Elle saura cependant, le moment venu, attendrir et émouvoir : Su me…morente…esanime de l’acte IV. La déception nous vient du ténor Dmitri Ponomarev (Ismaël), même s’il sut nous gratifier de quelques bons moments (tel ce per amor del Dio vivente de l’acte II). Sans doute aurait-il besoin de se familiariser davantage avec le Bel canto : ses aigus « tirés », assortis chez lui aussi d’un insupportable vibrato de justesse instable, y sont totalement étrangers.

Autres motifs de satisfaction ; l’orchestre du Duo/Dijon, décidément à l’aise dans Verdi (cf. le Don Carlo du printemps dernier), collectivement remarquable et aux solistes parfaits (flûte, violoncelle, trompette…), sans oublier le chef russe Evgueny Brajnik, visiblement satisfait de ses troupes : chœurs et orchestre.

Toute l’équipe de régie est à féliciter : pas un « couac », pas un accroc dans ce spectacle de haute tenue….

De quoi inciter le spectateur-auditeur à se déplacer les 30 novembre et 3 décembre prochains (au Grand-Théâtre, cette fois) pour La Fiancée du Tsar de Rimsky-Korsakov.

Rédacteur : Edouard Bailly

Source : http://www.resmusica.com/aff_article.php3?art=1013
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