Dijon
- Emploi
Emploi : un tissu trop étroit
Michel
Revol
Au pied du mur - Le taux de chômage dijonnais est inférieur
à la moyenne nationale. Mais le dynamisme local est en trompe-l'oeil.
Le
31 décembre dernier, l'entreprise ADM Cocoa, sise à
Plombières-lès-Dijon, fermait ses portes. Moins de
deux semaines plus tard, les 96 salariés licenciés
étaient tous recasés. « C'est la preuve qu'ici
le marché du travail est capable d'absorber rapidement de
nouveaux chômeurs, assure Albert Piquet, directeur de l'ANPE
Côte-d'Or. D'ailleurs, c'est bien simple : on nage dans le
bonheur ! » La preuve par les chiffres : entre novembre 1999
et novembre 2000, le taux de chômage de l'arrondissement a
fondu de 10,3 à 8,8 %, soit un pourcentage inférieur
à la moyenne nationale (9,2 %).
Déjà,
en 1994, en plein marasme économique, Dijon précédait
la moyenne française d'une courte tête (12,2 % de chômeurs,
contre 12,4 %). « Quand il y a crise en France, elle frappe
moins durement notre région, explique Marcel Elias, patron
de l'agence de développement Dijon Promotion. Notre tissu
économique est diversifié, ce qui le met à
l'abri des coups durs. » Mais est-il suffisamment dynamique
pour créer, à long terme, la croissance ? Pas sûr.
En
apparence, à Dijon, c'est l'optimisme. Oubliées les
dramatiques fermetures de Hoover ou de la Seita en 1993... «
Je passe mon temps à signer des contrats d'embauche ! »
reconnaît Jean-Michel Guarneri, membre du directoire de Savoye
Logistics, une société qui prévoit 75 recrutements
en 2001 à Dijon. La création de centres d'appels (près
de 800 postes en 2000), l'installation d'entreprises nouvelles dans
l'emballage-conditionnement et la logistique ont fait remonter les
offres d'emploi. Si le patronat tire aujourd'hui la sonnette d'alarme,
c'est qu'il craint la pénurie de main-d'oeuvre. « La
situation est dramatique : tous les secteurs d'activité manquent
de compétences », s'inquiète Jean Battault,
président du Medef Côte-d'Or. Les gros employeurs des
environs (industrie pharmaceutique, agroalimentaire, sous-traitance
automobile...) en sont réduits à chercher ailleurs
les compétences qui leur font défaut, quel que soit
le niveau de qualification. « Les entreprises du bâtiment
doivent même rappeler des ouvriers à la retraite !
» observe-t-on à l'ANPE. Le tableau est réjouissant,
mais certains s'inquiètent.
Et
l'avenir ? La bonne santé du marché de l'emploi s'explique
surtout par la taille moyenne de l'agglomération (110 600
actifs), qui s'accommode bien d'un tissu économique lui fournissant,
bon an mal an, le travail nécessaire. Mais les créations
nettes d'emplois ne suffisent pas toujours à compenser les
pertes. Une étude de la communauté urbaine pointe
ainsi une baisse de 0,4 % des effectifs dans le privé entre
1997 et 1998. Malgré les installations nouvelles, Dijon manque
d'entreprises industrielles créatrices d'emplois. Cette ville
administrative n'a jamais souhaité développer son
tissu industriel, pourtant facteur de dynamisme. « Les industries
sont trop peu nombreuses. Elles n'ont pas l'effet d'entraînement
sur l'emploi qu'elles ont, par exemple, à Chalon-sur-Saône
», regrette ainsi Patrick Bataille, consultant à l'Association
pour l'emploi des cadres (Apec). Au Medef local, les patrons pestent
: « L'administration nous fait concurrence, car il est toujours
plus confortable de travailler dans le public que dans une entreprise
privée. »
Sécurisante,
Dijon, mais pas très excitante. Les cadres ne se bousculent
pas pour venir s'y installer. La ville souffre du voisinage des
métropoles lyonnaise et parisienne, vers lesquelles les jeunes
diplômés s'expatrient pour tenter leur première
expérience. En créant une agence chargée d'attirer
les entreprises de haute technologie, Dijon saura-t-elle les séduire
? Affaire à suivre.
© Le Point
09/02/2001 - N°1482 - Page 39 - 568 mots
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