Dijon
Les 10 qui font bouger la ville
Arnaud
Morel
Yan
Pei-Ming
Né
en Chine, où il pratiquait l'art de propagande, Pei-Ming,
40 ans, a décidé de changer de destin en s'installant
en France. Et c'est à Dijon qu'il s'est installé,
voilà vingt ans. « Au départ, peintre inconnu,
je peignais un personnage très connu, Mao. Maintenant, c'est
Mao qui sert à ma propagande personnelle ! » explique-t-il,
l'oeil malicieux. Ses toiles, gigantesques et d'une force descriptive
impressionnante, sont vendues dans le monde. « L'art contemporain,
c'est l'art d'un artiste vivant, et rien d'autre. Pour ma part,
j'y mêle mes sentiments personnels à celui d'humanité
», avance-t-il pour expliquer son succès. Il aime bien
Dijon et apprécie d'y échapper au besoin d'être
mondain. Mais il laisse pointer un regret : « Ici, quand on
marche, on n'avance pas, un peu comme sur un vélo d'appartement.
» Et il formule l'espoir que, à l'instar de Bilbao,
l'implantation d'un musée d'art contemporain change la vie
à Dijon. « Sinon, la ville risque de devenir une vaste
maison de retraite. »
Marie-Françoise
Robert-Bondu et Gilles Monchicourt
L'association Ecoute, aide et conseil (EAC) se propose de faciliter
l'accès à l'aide psychologique. Fondée en 1993,
EAC accueille au téléphone (03.80.45.34.20) et s'engage
à proposer dans la semaine un rendez-vous avec un psychologue.
« Les rencontres peuvent se faire à domicile et même
en présence d'un tiers, un médiateur. Cela facilite
vraiment la confiance », expose Marie-Françoise Robert-Bondu,
52 ans, la présidente. « 63 % des personnes qui contactent
l'EAC perçoivent les minima sociaux, constate Gilles Monchicourt,
psychologue fondateur d'EAC. Nous négocions le prix de l'entretien,
qui sera compris entre 1 et 100 francs. Un prix qui n'a rien de
symbolique pour quelqu'un au RMI. » Quatre psychologues se
relaient au sein de l'association pour assurer le suivi des 2 000
entretiens réalisés en moyenne chaque année.
Gilles
Bertrand
Patron du laboratoire de recherche sur la réactivité
des solides, où travaillent une centaine de personnes, Gilles
Bertrand, 56 ans, n'aime pas les scientifiques enfermés dans
leur rôle. Lui, il cherche le moyen de « rendre des
services d'intérêt général ». Alors,
après sa présidence de l'université de Bourgogne,
il accepte celle du Comité national d'évaluation des
établissements scientifiques. Grâce à cette
responsabilité nationale, il espère bien que Dijon
« affirmera enfin sa vocation universitaire » et cessera
de faire de son campus « une réserve d'Indiens ».
Anne
Coste de Champeron
Nouvelle directrice de l'Atheneum, premier centre culturel ouvert
sur un campus français (1983), Anne Coste, 30 ans, envisage
son rôle avec modestie. Son centre doit bien sûr être
le relais des structures culturelles de la ville, mais surtout sensibiliser
les étudiants - « un public difficile » - à
la culture. « Notre mission est pluridisciplinaire et nous
cherchons à offrir le plus large éventail de propositions
culturelles, pour multiplier les chances de faire naître une
étincelle chez les étudiants. » Ainsi, elle
met en place des « concerts minute » avec le Cefedem,
qui prépare au concours de professeur de musique. Pendant
quinze jours sur le campus, les universitaires et les étudiants
pourront ainsi, gratuitement, inviter les musiciens dans les lieux
les plus incongrus.
Dominique
Bony
Le Vieux Léon, rue Jeannin, avec son côté brocante
et ses chaussettes en vitrine, est un troquet bien vivant. Ouvert
uniquement en soirée, le bar est victime de son succès.
Entre 100 et 300 personnes par soir. « Je ne suis pas un cas
isolé, tous les établissements de nuit ont des problèmes
avec les autorités au sujet du bruit », explique Dominique
Bony, 33 ans. Entre vie nocturne et tranquillité, la municipalité
a choisi. « La politique, ici, vise à excentrer les
lieux de nuit. Je me demande si cela est bien compatible avec les
impératifs de sécurité routière »,
s'étonne-t-il.
Denis
Clerc
Lorsqu'il fonde le fanzine Alternatives économiques en 1980,
Denis Clerc, 59 ans, cherche à expliquer l'économie
aux citoyens. Didactique, la démarche se veut aussi exemplaire,
et la rédaction « n'a jamais reçu la moindre
subvention ». Revers de la médaille, l'équipe
ne sera rémunérée qu'en 1993. Mais pugnacité
et conviction paient. Le magazine se vend chaque mois à 100
000 exemplaires et gagne en moyenne 8 000 lecteurs par an.
Jean-Philippe
Girard
« Notre métier, c'est d'être les médecins
des céréales. Nous cherchons à améliorer
la qualité des aliments qui en sont composés »,
explique Jean-Philippe Girard, 42 ans. Fondée en 1989, sa
société réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires
de 160 millions de francs en proposant de réguler l'utilisation
d'additifs dans les métiers de la meunerie. « L'industrie
agroalimentaire a besoin d'éthique et de transparence »,
souligne-t-il. Confiant en l'avenir des OGM, Jean-Philippe Girard
juge abusive l'approche des multinationales du secteur. Et il s'étonne
de voir Ernest-Antoine Seillière assimiler les craintes devant
les modifications génétiques à une attitude
rétrograde : « Seillière est-il prêt à
risquer sa vie ? » Locomotive du pôle agroalimentaire
dijonnais, il espère que bientôt « quelqu'un
saura assembler le puzzle des compétences multiples présentes
dans la ville ».
Marie-Christine
Dugourd
« Si les gens étaient un peu plus drôles, ils
seraient tous clients chez moi ! » Lorsqu'elle ouvre en 1977
son magasin de vente de mobilier design, Epokhe, elle étonne
par sa jeunesse. Mais son professionnalisme et son flair convainquent
vite. « Dijon est une ville ancrée dans un traditionalisme
à dépoussiérer, la bourgeoisie locale monopolise
une grande partie de la cité. » Sans mâcher ses
mots, ce petit brin de femme de 45 ans mise sur l'audace pour proposer
à la vente les réalisations des créateurs les
plus pointus : Maarten van Severen ou Kita, par exemple. Avec les
dernières créations de Starck, des fauteuils club
en polypropylène, elle espère voir des Dijonnais moins
fortunés fréquenter son échoppe, en plein coeur
du quartier des antiquaires de la ville.
Franck
Berthier
Dans sa boutique de vêtements au centre de Dijon, Franck Berthier,
52 ans, rêve de transformer la ville, « d'y faire circuler
des calèches, des voitures électriques » et
de dynamiser le commerce. Président de l'association de commerçants
Dijon Je t'aime, il a déjà recruté des «
hôtes citadins » chargés d'orienter les touristes.
Une démarche d'autant plus nécessaire que les commerçants
du centre-ville sont fortement vampirisés par les zones commerciales
périphériques. « L'indice de surface de vente
par habitant est ici de 180, contre 100 au niveau national. C'est
dire si la galette est petite », explique-t-il. Il faut donc
aller chercher les clients ailleurs, pour faire de Dijon une vraie
capitale commerciale. Pour cela, Berthier ne craint pas de rompre
avec les interdits en s'associant aux zones commerciales de la périphérie
pour lancer un vaste plan média vers les villes voisines.
Une expérience pilote, très regardée par les
autres métropoles.
Robert
Cantarella
« Mon travail, c'est un théâtre soucieux du bien
commun puisqu'il est public », indique Robert Cantarella,
43 ans, nouveau directeur du Théâtre de Bourgogne (TDB).
L'accueil et l'ouverture y sont tenus pour essentiels, tout comme
l'apprentissage, destiné à tous. « Il est difficile
d'être spectateur, cela s'apprend, un apprentissage perpétuel
et joyeux. » Alors, Robert Cantarella met en place des ateliers
« école ouverte », inspirés de «
l'oeuvre ouverte » d'Umberto Eco. Chaque jeudi soir, ils drainent
plus de 100 personnes, de tous âges et conditions sociales.
« Ce n'est pas de l'animation, mais un travail autour des
textes et des auteurs. » Pour lui, le théâtre
lutte contre le repli sur soi. « Le langage y est prioritaire,
il met en scène la pesanteur des humains. » Ce qui
impose une attitude autre que celle de consommateur, plus active
et curieuse. L'air de rien, avec sa sérénité
charmeuse, Robert Cantarella a séduit tout Dijon. «
Une ville que l'Histoire, très prégnante, rend tout
indiquée pour mettre en scène les grands textes historiques.
»
© Le Point
09/02/01 - N°1482 - Page 39 - 1324 mots
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